Nous ne sommes pas en démocratie. En démocraquoi ?

Cela prend fin dès maintenant (ou bientôt en tout cas) !

Nous décrivons la démocratie comme un idéal, certainement parce que nous pensons que ce système est moins susceptible de favoriser certains au détriment des autres. Nous sous-entendons ainsi que nous préférons la gouvernance du peuple à la monarchie, la dictature, l’oligarchie et la technocratie.

Je pense qu’il est important de préciser ce que la démocratie n’est pas. Ce n’est pour commencer pas nécessairement un régime dans lequel les droits de l’Homme sont respectés, pas plus que n’importe quel principe considéré comme sain.

La démocratie ne protège pas du moindre mal dont les habitants d’un pays et ses voisins peuvent souffrir sous un régime “autoritaire”. Pas intrinsèquement du moins, mais potentiellement, c’est à mon avis le meilleur candidat.

La démocratie veut dire que le peuple décide, rien de plus, rien de moins.

Ainsi, sauf si ma définition est excessive, nous ne vivons en France, pas en démocratie. En France, ce sont des représentants qui prennent les décisions et pas le peuple. Le choix des représentants n’est pas une forme de l’exercice du pouvoir parce que le représentant décide de ce qu’il veut comme il veut une fois élu.

C’est un peu abrupt, je vais donc nuancer légèrement. Le régime politique n’est pas totalement binaire. C’est dur de définir des cases à cocher qui permettraient de distinguer les démocraties des autres régimes. Il semble plus intéressant de parler d’un spectre le long duquel on peut trouver différents régimes. Plus les habitants du pays décident, plus on est proche de l’état démocratie. À l’opposé on aura l’oligarchie, la dictature ou la monarchie dans lesquelles un petit nombre décide de tout.

Là encore, une difficulté émerge, comment savoir qui décide ? Je vois deux méthodes. La première consiste à essayer de déterminer à qui profitent a priori les décisions. C’est assez complexe, mais il parait assez raisonnable de supposer que les individus tentent de prendre des décisions allant dans leur intérêts.

On pourrait disserter des pages durant sur les grands gagnants des décisions politiques prises en France. Ce thème justifierait à lui seul une série d’articles mais de toute façon, je préfère la deuxième méthode !

  Elle consiste à se demander qui peut proposer une initiative ou s’opposer à une décision dans un pays. En France, les citoyens n’ont l’initiative d’aucune décision majeure. Lorsqu’une décision les mécontente, il n’ont aucun recours fiable. Ils peuvent adapter leur stratégie de vote, manifester ou demander que la décision soit reconsidérée. En plus du fait que ces options leur permettent rarement d’obtenir des résultats, elles sont ridicules comparées à celles des hommes politiques.

Elles leurs coutent toutes en argent et en temps. Elle peuvent également les mettre en danger. Manifester est risqué en France

 

Heurts entre “gilets jaunes” et forces de l’ordre lors de l’acte XI, place de la Bastille, le samedi 26 janvier 2019. Marie Magnin / Hans Lucas – Courrier International

De l’autre côté, on a des hommes politiques qui n’ont aucune obligation de rendre des comptes aux citoyens sur leurs décisions. De plus, ils sont payés pour prendre des décisions et n’ont pour cela qu’à écrire des textes, donner des ordres , appuyer sur un bouton ou voter à main levée. À lui seul, un homme politique comme un sénateur ou un ministre peut avoir plus d’impact sur la France que des centaines de milliers de citoyens.

En synthèse, une décision allant contre l’intérêt et la volonté des 99% des français pourrait être prise sans friction. Aucun mécanisme , aucune institution n’existe qui ait une chance d’empêcher cela.

Imaginons que quelqu’un ait une définition de la démocratie qui permette de dire que la France en est une. Cela voudrait dire qu’un groupe peut avoir le pouvoir sans être capable de proposer, de valider ou de bloquer des décisions.

“Vous décidez tant que vous ne proposez pas d’initiative, ni n’en autorisez ou interdisez”

Revenons aux représentants. Nous les élisons pour qu’ils prennent ensuite les décisions. Ils ont donc intérêt à faire en sorte qu’on ait envie de les élire ou de les réélire. Tous d’ailleurs, semblent présenter des programmes adaptés pour plaire aux électeurs qu’ils ciblent et ainsi obtenir leurs votes.

Mais il s’agit de promesses, qui n’engagent que ceux qui les tiennent.

Même avec tous les indicateurs dans le rouge, un élu peut aller jusqu’au bout de son mandat. Un mandat est surtout un CDD surpayé offrant énormément d’opportunités.

Certains d’entre vous sont certainement sceptiques. J’ai volontairement limité les exemples concrets et chaque point mériterait des pages de développement. Par contre, je ne me voyais pas finir sans un argument massue. J’ai le sens du show après tout.

Je ne pensais pas en trouver un si bon. Il m’avait fait l’effet d’un électrochoc à l’époque, mais je l’avais gardé dans un coin de ma mémoire. Je ne vais pas mâcher mes mots, cette vidéo est édifiante. Elle dit énormément de choses sur notre pays et notre régime, et exprime limpidement le fait que nous ne sommes en effet pas en démocratie.

Je me retiens de faire plus d’emphase et passe au contexte. Nous sommes en 2016, Un certain François Fillon mène sa campagne avec une certaine aisance. Il est bon dans les sondages et s’apprête à gagner la primaire de la droite et du centre.

Il participe alors à un exercice fascinant, un “grand oral” organisé par la chaine Public Sénat et le think-tank libéral Fondation Concorde sur son programme économique. Après une courte présentation, il va répondre à des questions de chefs d’entreprise, d’experts et d’universitaires.

Le but ? Prouver que son programme est très libéral et surtout susceptible d’être exécuté dans sa totalité sans “accrocs”. L’idée n’est pas de faire le procès de François Fillon (il a assez d’ennuis avec la justice comme ça), mais on est littéralement dans la scène du film hollywoodien ou le méchant dévoile son plan machiavélique.

Tout y est, le ton, les expressions employées, le déroulement par étapes méticuleusement enchaînées, les rôles établis et la façon dont les pièges seront déjoués. Il nous explique la façon dont il joue aux échecs. Mais son adversaire … C’est nous ! Il sous-entend que c’est pour notre bien … Mais il expose son plan pour nous vaincre.

La vidéo dure une heure, mais c’est sur le moment entre 13:50 et 19:35 qu’il faut se pencher. ça s’analyse vraiment minute par minute comme une finale de coupe du monde, mais l’article est déjà trop long donc petit florilège :

– Il dit qu’il sait que le gagnant de la primaire de la Droite et du Centre gagnera certainement la présidentielle et qu’il peut donc avoir un programme plus “fort” (entendre “je peux mettre tapis, j’ai vu les cartes)
– Pour décrire la façon dont il va appliquer ses réformes, il parle de blitzkrieg mené en utilisant “tous les moyens que donne la V ème République” (49.3, votes bloqués, ordonnances …) “sans interruption estivale” sous-entendu, au moment ou les français sont le moins susceptibles de réagir (leur seul moment de répit …)
– Le bouquet, c’est lorsqu’il parle d’organiser un référendum en reconnaissant clairement qu’il servira de diversion. Plus précisément pour permettre de “maintenir l’état de tension électorale afin de rendre plus dure la contestation sociale”

 

Image d’illustration du concept de bliztkrieg ou guerre éclair en allemand qui désigne selon Wikipédia une “tactique à visée opérationnelle militaire offensive visant à emporter une victoire décisive par l’engagement localisé et limité dans le temps d’un puissant ensemble de forces motorisées, terrestres et aériennes dans l’optique de frapper en profondeur la capacité militaire, économique ou politique.”

En conclusion, “en faisant ça, on créé un choc qui rend très difficile la réaction sociale que vous craignez”. Certains s’échinent à chercher des complots sur Youtube et Telegram alors qu’il suffit d’aller sur Public Sénat.

Le sous-texte est plus frappant encore, l’emploi de “vous”, “nous”, “ils”, les pauses, les sourires, presque les clin d’oeil. On sent une réelle complicité, une connivence dirigée contre … nous.

Mais ça c’est seulement ce qu’il dit devant une grande salle remplie de caméras. Il n’y a pas de raison de penser que ça n’est pas bien pire lorsqu’il prépare son plan pour “sauver la France” avec son cabinet.

Une fois encore, c’est François Fillon, mais il n’est bien sûr pas le seul. Et ce n’est pas particulièrement le fruit de mauvaises intentions qu’il aurait. Ce sont les règles du jeu qui favorisent ce genre de comportement. Il pense peut-être sincèrement que c’est “pour notre bien” qu’il fait ça. Quoi de plus naturel étant donné le caractère infantilisant de notre système ? Et surtout, nous n’avons tout simplement pas les mêmes intérêts.

Vous savez que je ne vais pas conclure sur ça, parce qu’ici on propose des solutions ! Et je ne voudrais surtout pas décourager quiconque de voter à l’approche d’élections déjà assez déprimantes.

Oui, le système est totalement truqué en notre défaveur, pire qu’à la fête foraine. Mais ça ne veut pas dire que voter est inutile, loin de là. Comme à la fête foraine, on laisse les clients gagner de temps en temps. Ce sont les mesurettes, les miettes que tout bon forain sait accorder pour faire revenir les chalands. Toutefois, les habitués savent que ces seconds prix ne valent pas le coup. On peut vraiment gagner la mini moto ou la peluche géante. Il faut juste trouver l’astuce et surtout se concentrer exclusivement sur cet objectif.

En général, on n’est ensuite plus le bienvenu sur le stand, mais il suffit de gagner une seule fois !

J’ai un peu trop filé la métaphore, mais en synthèse, on perd depuis des décennies parce qu’on demande des gestes du pouvoir. Un peu plus de pouvoir d’achat, un meilleur système éducatif, plus de lits d’hopitaux (soupir …) , des emplois, une transition écologique et solidaire …

C’est excellent pour les politiques de métier, ils n’ont plus qu’à se répartir les différents thèmes comme des parts de marché pour ensuite nous expliquer qu’on peut avoir de l’éducation mais pas de santé ou de l’emploi mais pas trop d’écologie.

Surpris qu’ils puissent si facilement changer de camp ou de discours comme s’il s’agissait de vestes de costume ? Il ne faut pas, ce n’est que du marketing, on utilise l’argument qui fonctionne puis on passe à autre chose.

Bien sûr, il faut de temps en temps donner aux clients ce qu’ils veulent (surtout à ceux qui votent le plus ou qui financent le parti). Mais ils n’ont pas de recours, donc pas besoin de se démener.

Je grossis évidemment le trait et certains politiques sont sincères. Mais trop peu, dans un système loin d’être optimisé pour favoriser l’intérêt général.

Les débats stériles, les polémiques aberrantes alimentées par des mensonges et phrases assassines ne sont pas des accidents. Ils jouent un rôle important !

C’est plus facile de vendre des élections comme si c’était une saison de Game of Thrones qu’en apportant de solutions de fond à des sujets. De toute façon, celui qui essayerait de faire ça serait moins médiatisé et populaire que celui qui accuserait le bouc émissaire du moment.

Mais là encore, ça justifierait un article dédié ! J’en viens donc au fait. Il faut arrêter de demander aux hommes politiques d’améliorer notre situation. S’ils ne l’ont pas fait jusqu’ici, ce n’est pas parce qu’on est à chaque fois tombé sur le mauvais, par malchance.

Ce n’est simplement pas dans leur intérêt. Et la plupart des gens feraient la même chose s’ils étaient mis dans la même situation. Entre tenter des réformes structurelles de long terme qui peuvent échouer et tabler sur une mesurette symbolique puis quelques discours galvanisants agrémentés d’une petite tournée des plateaux … J’ai besoin de terminer ?

Les hommes politiques œuvrent pour l’intérêt des hommes politiques. Le bien commun, l’intérêt général sont la priorité du peuple avant tout. C’est donc lui, nous tous qui sommes les plus à même de le défendre.

On doit donc décider. Il faut voter, mais en visant exclusivement la mini-moto. En exigeant de façon obsessionnelle le pouvoir, rien que le pouvoir et tout le pouvoir (ou presque…)

Mais comment ça se concrétise ? Est-ce que c’est possible ? On ne risque pas de sombrer dans l’anarchie ?!

J’ai un plan, mais l’article commence déjà à être long. Le prochain de la série sera sur les objections à la démocratie. Vous les avez déjà forcément entendus, “on a besoin d’un chef !” , “les gens sont trop bêtes” ou encore la classique “tyrannie de la majorité”.

Il me semblait important d’aborder ces points avant de parler de mes mesures démocratiques préférées. Mais on se rapproche très rapidement de l’élection.

Donc voici un exemple de ce qui se fait de mieux en termes d’innovation démocratique et qu’il faut selon un passant curieux exiger comme si notre vie en dépendait. Enfin plutôt parce que notre vie en dépend.

Cette initiative (que je vous encourage à soutenir) vient de Démocratie Ouverte. C’est une association que je soutiens parce qu’ils mènent et fédèrent des projets qui aident les citoyens à saisir le pouvoir plutôt que des miettes. J’aime bien cette présentation vidéo d’Armel, le fondateur :

Qu’est-ce que vous pensez de la pertinence d’un passage à une démocratie plus proche de sa définition ? De la faisabilité d’un tel projet ? Et les mesures proposées par Démocratie Ouverte ? Dites-moi ce que vous en pensez en commentaires ou sur les réseaux sociaux !

Merci de m’avoir lu,

A bientôt,

Un passant curieux