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Le fameux besoin d’un leader fort et autres mythes sur les limites de la démocratie

Deuxième volet de cette série d’articles promouvant l’adoption d’un régime qui aurait autre chose de démocratique que le nom, je vais parler des arguments couramment amenés contre la démocratie.

comme tous les mode d’organisation et de partage du pouvoir, la démocratie a des inconvénients. Ceux qui reviennent le plus souvent dans les discussions ne sont à mon avis pas les plus gênants, lorsqu’ils peuvent réellement être considérés comme des points faibles.

Je vous en propose une analyse :

On a bien besoin d’un leader !

Ce que j’observe, c’est qu’on compare souvent une dictature idéale à un mauvais scénario de démocratie. Le dictateur est intelligent, à l’écoute de son peuple et bienveillant , tandis que le peuple est décrit en termes péjoratifs, presque animaux. C’est l’élu éclairé contre la foule ahurie. Posé de cette façon , le problème paraît différent. Bien sûr que sur une période donnée, un génie empathique prendra de meilleures décisions qu’une masse ignare et malveillante. Mais est-on vraiment dans ce dilemme ? Sont-ce réellement les deux seules options qui s’offrent à nous ?

Je me permets d’en douter. Cette façon de poser le problème donne l’impression d’être le résultat d’un biais favorable à la dictature. C’est un système plus facile à appréhender. Une seule personne est au pouvoir. C’est le grand chef. Tout ce qui se passe de bien ou mal est le fait du grand chef.

C’est une théorie simple, peut être même trop simple. Qui choisit le grand chef ? Qui choisit quels seront ses pouvoirs ? Comment est ce qu’on contrôle son action ?

On entend beaucoup parler des complications associées à la démocratie, mais étonnamment très peu lorsqu’on parle du grand chef.

Une des caractéristiques historiquement avérées des grands chefs est leur tendance à se désigner eux même. C’est cohérent. Pourquoi auraient ils besoin de validation extérieure ? Ils doivent commander vu qu’ils sont meilleurs !

Une façon très efficace pour un grand chef de prendre le pouvoir est le coup d’État. Excellente nouvelle , le coup d’état, lorsqu’un bon samaritain nous libère d’un tyran cruel. Cependant, qu’est ce qui nous garantit que le nouveau dictateur sera meilleur que l’ancien ? Et s’il est moins bon, que fait-on maintenant qu’il a tous les pouvoirs? On ne le révoque pas vu qu’il est aux commandes. Dans le cas contraire, si on a un bon tyran, comment garantit-on qu’il restera au pouvoir ? Comment l’empêche-t-on de se faire éjecter par un ambitieux ? On renforce son pouvoir et la répression ! Dans ce cas, la situation ne sera-t-elle pas pire dans la cas où son remplaçant serait horrible ? Ou s’il devenait moins bon ?

more like under a new management

On n’entend pas trop les pro-dictature le dire, mais l’histoire et l’actualité, le pouvoir du régime ne devient pas moins fort lorsque ses intentions deviennent moins bonnes.

Toute ressemblance avec des évènements se déroulant en ce moment est voulue.

Oui, c’est vrai. Si tout se passe bien, alors tout se passe bien. Mais dans la vraie vie, les choses se passent souvent mal, non ? Staline a mis du plomb dans le crâne des gens en gérant le pays d’une poigne virile. Mais il ne l’a pas fait qu’au sens figuré… On n’a donc qu’à ouvrir un livre d’histoire pour trouver le régime connu dans lequel les citoyens ont le plus de chances de souffrir sans avoir de voie de recours. On peut également sans avoir besoin d’extrapoler comprendre quelle caractéristique du régime fait qu’il opprime ses citoyens.

De plus, le pouvoir est plus désirable une fois concentré. Il donne donc envie d’être pris (pas que de façon pacifique).

Or, les personnes cherchant le plus le pouvoir ne sont pas nécessairement les plus altruistes. Il faut avoir certaines prédispositions pour penser qu’on devrait régner sans partage sur un groupe.

Enfin, je doute de la persistance de notre goût pour le pouvoir concentré. C’est une idée séduisante parce qu’intuitive.

Cependant, si je veux qu’un leader fort prenne les choses en main, c’est souvent pour aboutir à une situation proche de mon idéal, non ? D’ailleurs, n’est-ce pas lorsque des décisions contrariantes sont prises qu’on s’inquiète le plus de “dérives autoritaires” ? Sans surprise, on se plie plus docilement aux décisions qui vont dans notre sens.

Dit autrement, lorsque les gens disent qu’ils voudraient qu’un “homme fort prenne les choses en main”, ils ne parlent pas de n’importe quel homme fort. Ce n’est pas du tout l’idée d’un homme fort qu’ils encensent en réalité. C’est simplement leurs vision du monde qu’ils voudraient voir appliquer. Comme leur voisin. Par contre, s’ils ne sont pas du même avis, ils seraient révoltés face au scénario dans lequel le champion du voisin venait à imposer son programme salvateur.

Le problème de la démocratie, c’est que c’est la tyrannie de la majorité

C’est une objection intéressante que je ne suis pas sûr de totalement comprendre.

Il faut se poser la question qui doit venir naturellement lorsqu’on compare des options. Quelle est l’alternative à la tyrannie de la majorité ?

Si un groupe de 10 personnes prend une décision, et qu’on prend la décision que 9 membres proposent , est-ce pire que si on adoptait l’autre option, celle préférée par un membre sur 10 ?

Je suis peut-être taquin, mais si on fonctionne en groupe,  il faut bien donner le pouvoir à quelqu’un , non ? Quelle personne ou entité pourrait se voir confier le pouvoir sans que le régime ne soit qualifié de tyrannie ?

Il n’y a pas tant de régimes que ça. La dictature et la monarchie représentent la tyrannie d’un homme et l’oligarchie est par définition la tyrannie de la minorité. La technocratie aussi, au même titre que l’aristocratie. On peut également prendre les décisions au hasard. Est-ce que c’est alors la tyrannie de hasard ?

Parler de tyrannie de la majorité , c’est mettre en avant le fait que la démocratie peut potentiellement léser un groupe de personnes. Mais si c’est mal de léser les gens , alors ne faut-il pas essayer de le faire le moins possible ? Et si on admet ces prémices, alors peut être peut-on voir l’intérêt de faire prendre les décisions par le plus grand nombre de personnes. En augmentant le nombre de personnes favorisées par une décision , on diminue le nombre de personnes qui en pâtiront.

Mais alors peut être que certains diront qu’un tyran éclairé pourra essayer de trouver un compromis qui arrange la majorité et la minorité. Oui, tout à fait, comme un groupe pourrait faire en dialoguant. “Mais les gens sont égoïstes et ne vont donc voter que dans leur intérêt”. Parce que ce n’est pas en ce moment ce que font nos députés, ministres et présidents ?

better than you tyrannie de la majorité

Ce que j’ai du mal à comprendre, par rapport à l’argument de la tyrannie de la majorité, c’est que j’entends rarement dire que seule une minorité d’entre nous est lésée. On est pas mal de mécontents, non ?

Une minorité opprimée par une majorité toute-puissante serait un réel problème, mais est-ce que c’est vraiment le problème brûlant alors que des décisions qui vont à l’encontre des intérêts de la plupart d’entre nous peuvent être prises ?

Cela dit, peut-être que ce narratif vient simplement de personnes qui savent qu’elles perdraient des privilèges si on répartissait le pouvoir plus équitablement. ça expliquerait en partie son décalage avec notre réalité et sa persistance.

Les limites de la nature humaine

La nature humaine serait incompatible avec la démocratie, parce qu’impulsive et égoïste entre autres défauts gênants. C’est un postulat audacieux et un débat en soi.

Je vois un gros problème avec cette idée : tous les régimes politiques reposent d’une façon ou d’une autre sur un ou des humains. Donc, c’est pas tant à mes yeux un argument contre la démocratie qu’un argument contre le fait de le donner à des êtres humains. A qui donc, le confier? Les machines ? Elles au moins sont exemptes de cette dangereuse nature humaine. Pas convaincu ? Moi non plus.

Il y a bien sûr plus à dire sur la question, mais j’essaye d’être économe vis-à-vis de votre précieux temps de cerveau disponible. Surtout que la suite arrive très vite !

Merci de m’avoir lu,

A bientôt

Un passant curieux